Lyrics Samia Chiki – Photos Graine / Maxwell Aurelien James / NnoMan

Ils ont subi les différentes mesures lors du premier confinement et ont été contraints de s’y adapter ou du moins les subir car l’heure était à l’urgence sanitaire. Aujourd’hui, ils s’attendaient à ce que ce soit différent, que des mesures à la hauteur soient prises face à la seconde vague, notamment en ce qui concerne le protocole sanitaire.

Lycéens et enseignants ont donc décidé de se faire entendre.

Des lycéens mobilisés

Un sentiment d’abandon et d’insécurité prédominent chez les lycéens.

Depuis mardi 3 novembre, ils ont donc décidé de se mobiliser, en mettant en place des blocages à l’entrée des établissements et en manifestant localement. Protocole sanitaire non renforcé, demande de cours en demi-groupes, selfs surchargés, ils souhaitent être entendus, exigeant que de nouvelles mesures sanitaires soient décidées.

Le président du syndicat lycéen UNL, Mathieu Devlaminck souligne certains points : « Le fait de demander à ce qu’on garde le masque chez nous, est la preuve que les lycées sont de potentiels clusters.Lorsqu’on rentre chez nous on craint de l’avoir attrapé, de contaminer nos parents, grands-parents et de contaminer d’autres personnes vulnérables. On devait avoir un protocole sanitaire renforcé, il n’en n’est rien, c’est dramatique, nous sommes entassés à l’entrée, dans les salles de classes et dans les selfs ».

Blocages, rassemblements, manifestations, les lycéens arrivent très tôt le matin, mais sont souvent très vite dispersés par des gaz lacrymogènes et une pression virulente parfois même violente des forces de l’ordre. Pourtant, le mouvement ne s’essouffle pas, les lycéens semblent déterminés à poursuivre leurs actions dans les prochains jours.

Ce jeudi matin nous avons été à leur rencontre sur Paris, ils témoignent : Les mesures sanitaires ont été abandonnées, nous sommes collés dans les couloirs et également lors de l’hommage à Samuel Paty. Aujourd’hui, nous avons été sur un premier lycée, celui de Voltaire et ensuite à Paul Valery.

Les gendarmes sont intervenus très tôt ce matin, des poubelles étaient là devant l’entrée, ils ont gazé tout le monde, une des manifestantes s’est même fait gifler alors qu’elle disait qu’elle allait partir. Nous nous sommes faits contrôlés, c’est ce qu’ils cherchaient, nous disperser pour ensuite nous choper. Nous ne manifestons pas car nous ne voulons pas aller en cours mais parce que rien n’est fait pour nous protéger, on demande des classes en demi-groupes pour qu’il y ait moins de circulation(…). En distanciel, c’est compliqué, nous ne voulons pas que ça ferme c’est pour cela qu’il faut agir. Les enseignants aussi ont commencé la grève et c’est important. Ceux qui ne peuvent pas manifester, nous le faisons aussi pour eux et il y a plein de moyens de militer. »

Ce mouvement de lycéens s’étend sur l’ensemble du territoire national, à Lyon dans le 4ème arrondissement les lycéens érigent leur blocus de barrières et poubelles. Les forces de l’ordre interviennent peu après pour libérer l’entrée à l’établissement. Des scénarios similaires à Paris, Nantes, Saint Nazaire, en Seine-Saint-Denis et bien d’autres encore. Johan, lycéen présent au blocage du Lycée Saint Exupéry à Lyon prend des photos et filme une scène violente largement relayée sur les réseaux sociaux, on y voit un policier projeter au sol un lycéen.

Les lycéens sont déterminés à poursuivre et renforcer le mouvement. Le FIDL dans un communiqué du 3 novembre demande au gouvernement « d’entendre les inquiétudes légitimes des jeunes » et appelle à «  assumer leurs responsabilités pour trouver les solutions nécessaires et ne plus mettre en danger la vie des des lycéen.ne.s ».

Vers une mobilisation unitaire des enseignants

Les syndicats enseignants avaient fait part également de leur mécontentement et ce, dès le samedi 31 octobre en annonçant un début de grève dès le 2 novembre, et ce jusqu’au 7 novembre.

Les syndicats ont appelé à la poursuite de ces actions et annoncent une « large grève intersyndicale le 10 novembre ». Les demandes demeurent les mêmes suite au refus du ministre de l’éducation nationale d’y répondre favorablement : un renforcement du protocole sanitaire, une motion de dédoublement permettant les cours en demi-groupes et un recrutement d’agents supplémentaires pour faire face aux mesures sanitaires renforcées exigées.

Les syndicats dénoncent un décalage entre les paroles ministérielles et la réalité sanitaire du pays, «  ne pas renforcer le protocole sanitaire dès maintenant, c’est prendre le risque de fermer les établissements scolaires dans quelques semaines », déclare le syndicat SNES-FSU.

Une campagne de médiatisation sur les réseaux sociaux a été lancée via # BalanceTonProtocole, afin de recueillir témoignages et photographies illustrant la réalité de la situation sanitaire.

David, fait partie de ces enseignants qui se mobilisent pour l’ensemble du métier mais surtout pour ses élèves.

« Les conditions de rentrée sont inacceptables, et les basses manœuvres du ministère autour de l’hommage à Samuel Paty sont ressenties comme un affront, l’affront de trop, par beaucoup de collègues.

La question qui cristallise l’affrontement est celle des demi-groupes: l’exigence de ce mode de fonctionnement est présente dans tous les établissements, chez une proportion variable de collègues.

Dans les lycées, c’est plus fort qu’ailleurs, parce que les effectifs sont encore plus importants (et peut être aussi parce que les collègues sont souvent plus âgés, et se sentent plus en danger à cause de la covid…).

Mais dans les collèges, ça commence à gagner aussi, et il y a déjà eu un collège qui l’a obtenu, en même temps que son lycée. »

Les enseignants dénoncent depuis plusieurs semaines, une communication ratée du ministre Jean-Michel Blanquer, lui reprochant notamment de s’adresser à eux via les médias.

En effet, les dernières annonces concernant la rentrée scolaire, l’hommage à Samuel Paty, le protocole sanitaire, ont été évoqués en premier sur des chaines télévisées ou lors d’interviews à la radio.

Les enseignants refusent de se taire. David, le confirme, le sentiment que j’ai sur la situation dans notre secteur, c’est que, face à l’incompétence inouïe de la chaîne hiérarchique, les enseignants sont en train de faire ce que les personnels soignants ont fait au printemps pour gérer les conséquences de l’épidémie, en dépit de leur bureaucratie.

Les images qui circulent sur les réseaux sociaux, sur les conditions sanitaires dans les établissements, en témoignent. 800 000 enseignants ont un rôle stratégique dans la crise, c’est un facteur politique majeur à prendre en ligne de compte. »

De nombreux lycées ont entrepris une démarche, une initiative, celle d’effectuer une demande d’autorisation pour des cours en demi-groupes, auprès des rectorats. Ces derniers semblent partagés sur cette question : à Marseille et dans l’Essonne certains établissements l’ont obtenue, d’autres l’ont catégoriquement refusé, notamment à Toulouse et Paris.

Une alternative qui pourrait donc répondre aux attentes des lycéens et enseignants, bien que ces derniers insistent sur le fait que cela impliquera de fournir davantage de travail et une réorganisation. Des sacrifices concédés pour préserver la santé des uns et des autres et éviter que dans les jours ou semaines à venir, les établissements soient contraints de fermer.

Le système éducatif est donc bien investi, cette fois par les premiers concernés, cela semble porter ses fruits.

Pourtant, ils en ont conscience, ce n’est que le début d’une longue bataille à mener pour être entendus sur les nouvelles dispositions à adopter tant sur le plan pédagogique que sanitaire en cette période exceptionnelle et éprouvante pour tous.

Jeudi soir, le ministre Blanquer a enfin réagit et annonce que protocole va être renforcé dans les établissements et des aménagements d’emploi du temps vont être rendus possibles pour les lycées. 

Ces derniers vont pouvoir passer à l’hybridation des cours , à une condition que 50% soient en présentiel. Aucune annonce pour les collèges, pour lesquels la problématique est similaire. 

La détermination des lycéens et des enseignants  a-t-elle été entendue ? Ils attendent de voir le nouveau protocole sanitaire et les moyens déployés pour sa mise en œuvre.

A suivre !

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