Lyrics Alan Mili – Photo NnoMan

 

Le 17 octobre dernier, Mohammed Ketfi, alias Jhon Rachid, publie sur sa plateforme de prédilection Youtube, son court-métrage Jour de pluie. Très vite, la toile s’emballe. En moins d’une semaine, il comptabilise près d’1,5 million de vues et a été partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. Decryptage avec le plus lyonnais des parisiens. 

 

Jhon Rachid partage aujourd’hui sa vie entre Lyon et Paris. Nous profitons de son passage dans la capitale pour le rencontrer. Nous nous donnons rendez-vous en bas d’une tour. Il nous ouvre avec un large sourire avant de nous diriger vers l’ascenseur… qu’il fait descendre – oui, descendre – au sous sol. Au -3 pour être précis. Il prend place entre un scooter et une 207…  L’interview peut commencer, à l’ombre d’un parking.

 

 

Le 17 octobre dernier, Mohammed Ketfi, alias Jhon Rachid, publie sur sa plateforme de prédilection Youtube, son court-métrage Jour de pluie. Très vite, la toile s’emballe. En moins d’une semaine, il comptabilise près d’1,5 million de vues et a été partagé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. 

Cette vidéo intervient 56 ans, jour pour jour, après l’un des massacres les plus effroyables qu’ait connu la diaspora algérienne.

En pleine guerre d’Algérie, les nord-africains de France se voient imposer un couvre-feu et subissent quotidiennement d’importantes répressions. 

A l’appel de la fédération de France du FLN, Front de Libération National,  des milliers d’algériens vont manifester pacifiquement dans les rues parisiennes. 

Rapidement, sous la direction et les ordres du préfet de police de Paris Maurice Papon, la situation va dégénérer. Ce soir là, la police blessera, tuera, noiera dans la seine, de nombreux algériens. 

Lorsqu’il a découvert cette histoire il y a seulement quelques années, Jhon Rachid est révolté : «Ça m’a rendu ouf. C’est incroyable qu’on ne soit pas au courant de ça !». 

C’est donc par ce court-métrage qu’il a souhaité mettre en exergue cet épisode historique, bien trop méconnu. 

Dans ce film, vu plus d’un million et demi de fois, deux jeunes gens qui se disputent sur le racisme ancré de certains français voyagent dans le temps et se retrouvent le Mardi 17 octobre 1961. Poursuivis et frappés par la police, ils se rendent ainsi compte des crimes commis sur les algériens ce jour là, dont ils ignoraient l’existence. 

Ce soir d’octobre 61, il pleuvait des cordes. Rigoureux et respectueux des événements, Jhon Rachid a tenu à retranscrire les faits dans les moindres détails dans Jour de pluie, y compris cet élément météorologique. Il s’est renseigné, a étudié et a regardé des documentaires sur le sujet. 

Le comédien n’en a pas oublié pour autant ce qu’il sait faire de mieux : nous faire rire. «Chaque vanne découle d’un truc que j’ai vu dans les archives. Quand ils (deux algériens ndlr) se font passer pour des italiens, c’est une vraie histoire. J’ai pris cette anecdote pour en faire un truc drôle» affirme-t-il.

Ce qu’il souhaite faire avant tout à travers ce court-métrage, c’est raconter cette histoire à un jeune public. Une manière pour lui, de faire en sorte qu’on n’oublie jamais cette nuit d’octobre pluvieuse.  

Transmettre à ses cadets est un exercice qu’il affectionne tout particulièrement. «J’avais déjà fait un truc similaire. C’était sur Cyrano, une vidéo en mode ‘’jeune’’, pour les inciter à lire Cyrano De Bergerac ».

Cette fois, sur un sujet aussi rude, l’idée était sensiblement la même. «C’était pour qu’ils se disent ‘’Ah ouais jhon Rachid a fait un truc dessus ? Ok j’ai envie d’écouter’’. C’est juste ça».

Pari réussi pour le comédien. Il y a quelques jours, une classe a diffusé son court-métrage en plein cours d’histoire sur la guerre d’Algérie. 

Travailler sur un thème aussi sensible n’a pas été simple pour le comédien. Au total, il aura fallu six mois de travail pour concevoir la bonne version du scénario.

«Je suis revenu dessus plusieurs fois…Au début c’était trop chelou ! (rires)». 

 

 

Du script, à la manière de filmer, rien n’a été laissé au hasard. Le film a en effet été tourné entièrement en pellicule. Une manière pour le scénariste et son réalisateur Antoine Barillot, de produire un film authentique, crédible, à travers ce voyage dans le temps. Un choix onéreux : son projet a couté 46 000 euros. Une somme qu’il a pu récolter notamment grâce aux dons de ses abonnés. «C’est grâce à eux. Sans eux je n’aurais jamais pu le faire» tient-il à préciser.

Parmi les acteurs présents, on retrouve des humoristes comme Noman Hosni, Kemar, ou encore Norman, avec qui Jhon Rachid l’avoue, les fous rires étaient légion sur le tournage. 

Malgré cette bonne ambiance, lorsque le clap de fin a retenti sur le plateau, le comédien admet n’avoir pu contenir ses larmes. «C’était la première fois que je réunissais autant de monde pour raconter mon histoire et tout le monde était impliqué autant que moi. Ça m’a beaucoup touché».

L’artiste l’assure, Jour de pluie défend le vivre-ensemble. «Je ne m’en sers pas pour dire ‘’oh les algériens ils ont souffert !’’, c’est vraiment pour rassembler. On a souffert mais on nous a beaucoup aidés».

Une scène du film est par ailleurs consacrée à l’entraide et la solidarité. Poursuivi par des policiers, le comédien est invité par les propriétaires d’un bar parisien à se cacher dans leur établissement.

Pourtant, malgré cette volonté de rassembler, quelques messages racistes se sont glissés dans les commentaires de la vidéo postée sur Youtube. Des messages auxquels le scénariste tente de ne pas prêter attention. «Il ne faut surtout pas les calculer, après ils se sentent forts et pensent que ça me touche alors que ça ne me touche pas».

Entre les imitations de Jean-Claude Van Damme et les histoires de Karima, un personnage qu’il a créé, Jhon Rachid tente de publier des vidéos engagées, à l’instar de Jour de pluie. «J’ai toujours été engagé dans mes vidéos. Pas dans toutes. Mais dans certaines, j’ai besoin de dire ce que je pense. J’alterne entre du contenu engagé et humoristique». Car l’homme en est persuadé, «c’est à nous, les citoyens, de changer les choses avec les moyens qu’on a. Youtube c’est mon moyen, donc j’essaie de changer les choses avec ça». 

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