Lyrics Alan Mili – Photo Lily Manapany
Issue d’une famille de Rroms, Anina Ciuciu voit le jour en 1990 à Craiova en Roumanie. Si aujourd’hui elle étudie à la prestigieuse université de la Sorbonne, elle est aussi une femme très engagée, qui lutte contre les discriminations.
Les blagues sur les Rroms sont devenues récurrentes. Étonnamment, ces clichés l’amusent. ‘’Bien sûr que ça me fait rire, c’est fait pour ça !’’ lance-t-elle lorsqu’on évoque le sujet. Le rire est selon l’étudiante, un bon moyen de lutter contre les préjugés. Anina est une jeune femme pétillante, qui affiche tout le temps un sourire radieux. Et si elle ne veut plus le quitter, c’est peut-être parce qu’il a longtemps été absent de son visage.
Alors qu’elle n’a que 7 ans, ses parents perdent leur emploi et décident de quitter le pays. Ils devaient rejoindre la France, ‘’le pays des droits de l’Homme, le pays de Balzac’’, comme l’appelait son père, un homme cultivé. Ils sont en fait ‘’lâchés’’ par leur passeur à Rome, dans l’un des plus grands bidonvilles d’Europe. Ils parviennent finalement à rejoindre clandestinement la France où ils enchaîneront squats, camions et logements insalubres, dans des conditions de vie qu’elle juge ‘’inhumaines’’, auxquelles viennent s’ajouter de multiples violences policières.
À force de ne rien lâcher, Anina a décroché un Master 2 en Droit, et prépare aujourd’hui l’examen du Barreau pour devenir avocate. Elle suit aussi un autre Master, axé sur les discriminations. Ce choix d’études, ‘’est intimement lié à mon parcours’’ confie-t-elle. Ses compétences en matière de droit, elle les met aujourd’hui au service des autres avec un objectif : lutter contre les injustices. Elle a été à l’origine d’une association qui lui tient particulièrement à cœur : ‘’Le mouvement du 16 mai’’, créée en mars dernier. Cette date n’a pas été choisie au hasard. Elle fait référence à ce jour de 1944 où des Tziganes se sont rebellés et ont fait reculer des SS qui devaient les conduire vers les chambres à gaz. ‘’C’est incroyable !’’déclare-t-elle avec admiration. À l’instar d’une véritable ONG, son mouvement va directement sur le terrain, dans des bidonvilles pour discuter avec ces personnes ‘’laissées de côté’’ pour qu’ils aient conscience de leurs droits. ‘’Contrôles de police arbitraires, violents, injustifiés, c’est aussi pour ce genre de choses qu’on se bat’’ affirme Anina.
Lorsqu’ils constatent une forme de discrimination, les membres du collectif prennent contact avec les autorités pour faire un rappel à la loi. Si cela ne fonctionne pas, ils saisissent directement le défenseur des droits.
Et leur combat n’est visiblement pas inutile puisque dernièrement, ils ont réussi à faire scolariser des enfants Rroms du bidonville de St-Ouen, qui avaient été victimes d’un refus de scolarisation. ‘’C’était une victoire’’ annonce-t-elle avec joie et soulagement. Entraide, lutte et cohésion semblent ainsi être les maîtres-mots du mouvement du 16 mai.
Cet esprit de cohésion se retrouve justement au sein même des membres du groupe, puisque la jeune femme l’affirme : ‘’On est mixtes dans notre équipe. Il y a toutes les origines et on travaille avec d’autres associations’’. Elle en profite d’ailleurs pour passer un petit message aux lecteurs de Fumigène : ‘’Si vous voulez nous rejoindre : venez !’’
[Dans un article du Bondy Blog du 24 Juillet 2017, nous apprenons qu’Anina se présente pour être Sénatrice]