Lyrics : Fatiha Kabel – Photo : Mara De Sario
A 37 printemps, Mehdi Idir a un parcours riche et intense. Alors que son film PATIENTS, co-réalisé avec Grand Corps Malade, atteint le million d’entrée, nous avons posé quelques questions à ce talentueux cinéaste du bitume qui préfère l’ombre à la lumière …
Trois mots pour définir PATIENTS.
« Rires », « larmes » et « découverte ». Je dis «découverte» car à travers les quarante dates d’avant-premières. Nous avons eu parmi le public, des personnes qui ne connaissaient pas cet univers. Beaucoup d’entre eux venaient nous voir à la fin de la projection car ils se prenaient une claque. Il y avait certes beaucoup de personnes dans le médical, des kinés, des médecins, mais qui aussi découvraient un autre aspect : le point du vue du patient.
Comment s’est passé le tournage du film?
Ca c’est très bien passé. Avec Fabien (NDR : Grand Corps Malade), on savait qu’on avait la chance de pouvoir réaliser, alors on a travaillé comme si c’était le dernier film qu’on faisait. Ayant énormément travaillé en amont, chaque scène a été minutieusement réalisée. Et puis l’équipe qu’on a formée était top. Je viens du milieu des clips, donc j’ai une manière de bosser où je dois finir un montage en une journée. Du coup, on a gardé les mêmes méthodes : on a utilisé aucune heure supplémentaire …
C’est quoi le rapport que tu as avec Grand Corps Malade ?
Fabien est mon meilleur ami. Bien plus : c’est la famille. Après la sortie de son livre, John Rachid lui a proposé d’en faire un film.
De mon côté je venais de finir mon court métrage « Le bout du tunnel ». C’est venu naturellement, et comme nous avions l’habitude de travailler ensemble, c’était une continuité … Réaliser un film avec ton meilleur ami, c’est juste un luxe!
Justement, on sent un esprit très familial dans l’équipe, c’est la recette de la réussite ?
Nous avons fait un casting avec de plus de 400 personnes, c’est dire si nos acteurs ont été choisi avec soin. Il y avait une ambiance particulière durant le tournage. Nous avons tourné dans le même centre où Fabien était. Y être au quotidien a créé un lien particulier entre nous. Que ce soit avec les vrais internes qu’avec l’équipe. Il y avait un supplément d’âme. Dans nos consciences, on savait qu’on inventait quelque chose de fort et de vrai. Pour vous dire, nous n’étions pas stressés avec Fabien ! On allait sur le tournage très détendus, au point que les techniciens nous fassent la remarque ! On y pensait même pas : nous étions dans une réalité, et non dans de la création en surface, et c’est mieux ainsi. La recette de la réussite ? Je ne pourrais pas répondre car nous nous sommes enfermés pendant quatre mois et demi pour le montage. Nous avions tellement la tête sous l’eau qu’on ne savait pas si c’était bien ou pas. Mais je pense que cet esprit familial est un élément essentiel …
Tu as choisi des acteurs peu connus mais de divers domaines ?
Il est vrai que faire jouer des acteurs peu connus peut être un risque pour un film. Mais nous voulions des acteurs qui se donnent à fond, et des futures perles pour le cinéma français … Et ça a marché ! Pour ce qui est du «stand up», Redouane Bougheraba fait partie de la famille. Comme Alban Ivanov, ça fait dix ans que je le connais, et son rôle lui va vraiment bien. Et lors d’une soirée au Comedy Club, il avait dit : « Je vous préviens les gars, vous avez intérêt à me faire jouer, je veux un rôle.» Donc du coup … (rires)
Et vous avez fait jouer ensemble des comédiens valides et non valides.
Pour nous, c’était plus intéressant de prendre du vrai personnel du centre et leur apprendre à jouer plutôt que le contraire. Le fait d’avoir des personnes non valides ajoute une touche réelle au film. Exemple pour Samir, qui en réalité a de vraies séquelles : il joue à merveille.
Peux tu nous parler de tes débuts de réalisateur ? Qu’est-ce qui t’a mis sur la voie ?
Histoire vraie : mon papa était cambrioleur. Un jour, il m’a ramené une caméra, celle du film « American Beauty » … C’était celle que je rêvais d’avoir ! J’aimais déjà l’image à l’époque … J’étais danseur et je m’amusais à filmer les battles. Un jour, j’ai trouvé un stage à la Mission Locale. J’ai commencé avec des montages. Les Wanted Posse étaient mes amis, alors on a filmé leurs entrainements. Les images étaient folles! En 2001, on en a fait un documentaire pour TF1, mais il fallait créer notre boîte pour le valider. On n’y connaissait rien, mais on l’a fait. Puis, on a sorti le DVD, et les ventes ont suivi. Des marques, des clips, des projets comme « Paris By Light » ont connu le jour. Puis il y a eu ma rencontre avec Fabien. Donc les projets se sont multipliés et j’ai touché à la télévision, avec le Daily Mouloud, Clique, Canal Plus… Puis mon court-métrage qui m’a mené à Patients !
Tu as travaillé sur de nombreux projets mais toujours dans l’ombre. Pourquoi toujours ce choix de mettre les autres dans la lumière?
Je le fais par volonté. Je ne veux pas me la raconter, et d’ailleurs, ça ne m’intéresse pas de me montrer ! Je préfère que les gens me reconnaissent pour mon travail, plutôt que de m’afficher sur les réseaux ou autres … Avec « Patients », j’ai dû montrer ma tête, car je dois défendre et parler de ce projet. Mais c’est un exercice où je ne suis pas trop à l’aise…