Lyrics – Solenn Boulant / Labo 148

L’écrivain était invité mercredi 15 novembre à la Condition Publique pour un atelier d’écriture un peu particulier. Revisiter ce drôle d’article qu’est le fait divers. Un exercice auquel il s’est lui-même livré dans son roman Deadline, inspiré de l’attentat du marathon de Boston.

Réécrire les faits divers : c’était l’ambition portée par Jean-Marc Flahaut pour ce Medialab. Poète et amoureux de la langue française, Jean-Marc est écrivain. Né à Boulogne-sur-Mer, il est d’abord enseignant dans un IUT, puis travailleur social. Il vit désormais de sa passion : l’écriture, qu’il exerce à travers de nombreux ateliers destinés au public.

Aujourd’hui, de passage à la Condition Publique et en collaboration avec le Labo des histoires, il nous raconte ses projets, ses inspirations, mais surtout ce qu’il souhaite transmettre aux autres : « le plaisir d’écrire ».

« Ce qui est dingue, c’est qu’en France, on ne nous apprend pas à écrire » commence Jean-Marc, visiblement agacé. « On nous apprend à manger, à compter, à jouer au foot… mais pas à écrire ». Ecrire, c’est son quotidien. Auteur confirmé, il manie les mots et les lettres avec finesse, avec justesse aussi. Sur la table est posé « Nouvelles en trois lignes » de Félix Fénéon. C’est un peu sa bible pour l’atelier qu’il propose aujourd’hui, un manuel hors du commun pour une réécriture fantaisiste des faits divers.

« La contrainte aujourd’hui, c’est de réécrire ces faits divers en trois lignes ». S’inspirant de cet auteur méconnu qu’était Félix Fénéon, il propose au public de piocher dans des articles à sensation, parfois caricaturaux, de la presse locale. Parce-que oui, contrairement à l’idée qu’on se fait du métier, l’inspiration divine n’existe pas. Quant à la drogue ou l’alcool, ça ne marche pas pour tout le monde. Selon Jean-Marc, les écrivains s’imposent des contraintes d’écriture, puisent leur inspiration chez d’autres auteurs, poètes, mais aussi dans la vie quotidienne.

« L’écriture, ça se construit. C’est un peu l’idée d’habitus de Bourdieu » glisse-t-il, sourire au coin. Quand on écrit, on réfléchit, et le défi qu’il porte est de savoir comment amener les autres à l’écriture. « C’est aussi bien une démarche personnelle que collective », explique-t-il. Empathique et sensible aux gens, l’auteur anime des ateliers d’écriture destinés aux jeunes, aux moins jeunes, aux amoureux des mots, même à ceux qui ne savent pas lire.

L’idée est de manier, de façon ludique, les mots et la langue française. Il faut également développer des stratégies pour que le style de chacun puisse s’exprimer. « Dans ces ateliers, on réfléchit, on discute, on pense. Puis on écrit, quand l’envie nous vient. Ecrire doit avant tout rester un plaisir ».

Ce qui inspire Jean-Marc, c’est surtout le réel, la façon dont on le décrit. Mais aussi l’idée de pouvoir défendre ses idées sans tomber dans la violence. Aujourd’hui, à la Condition publique de Roubaix et en partenariat avec le Labo des histoires, les curieux se prêtent au jeu : à travers l’humour, l’ironie ou la sobriété, il faut réécrire des faits divers, tout en conservant l’essence même du sujet.

Sur la table de l’atelier, des coupures de presse s’entassent, mêlant feuilles de papier et stylos colorés. Les productions du jour sont accrochées en cordel, sur un long fil au mur à l’aide de pinces à linge. Les styles se distinguent, les opinions aussi, malgré la contrainte des trois lignes. « Ce qui est fou, c’est que même à travers le format très court qu’impose l’exercice, on retrouve des personnalités différentes dans chaque production ».

Jambes croisées, Converses noires et sourire bienveillant, Jean-Marc fait le bilan de cette journée « Tout le monde sait écrire. Ce qui compte, c’est le plaisir d’écrire, et le coeur que l’on met à l’ouvrage ».