Lyrics Peggy Derder – Photo Julien Pitinome

Il est de tous les combats contre les discriminations. Il est à la fois sur le front, en back, sur les côtés. Il est de ces leaders de confiance qui font bouger les choses. Une affiche électorale le désignait comme une « racaille », un « dealer », un « islamiste ». Ses actions de terrain déconstruisent immédiatement ces clichés vulgaires. Portrait d’un vrai B.W.A. : Bonhomme With Attitude.

Almamy – dit Mam – Kanouté c’est d’abord une présence, une attitude. Un regard franc et déterminé qui surmonte une barbe fournie. Le contact est direct, sans faux-semblant. Des gestes, mais pas de posture : c’est ce qui semble dicter son parcours. 35 années déjà foisonnantes. Mam ne s’étale pas sur sa vie privée. Ses parents passent le périph alors qu’il a deux ans, pour s’installer à Fresnes. C’est là que tout commence et tout continue : le combat associatif, l’engagement politique, le dévouement professionnel en tant qu’éducateur, l’émancipation personnelle et la construction collective.

JE SUIS UN PRODUIT RATE DE LA REPUBLIQUE

La phrase tombe comme une sentence, lourde. Celui qui fait aujourd’hui « l’apologie du civisme» rejette la greffe républicaine implantée par l’École. Almamy décide donc de se réapproprier son histoire. C’est la seule voie vers l’émancipation. Ses parents, d’origine malienne, ses « véritables héros », représentent à la fois les racines, la base et le futur. Puis, « je me suis construit en mangeant de tout. Je n’ai rien inventé, c’est le mix de plusieurs parcours qui m’a nourri. » Premières références : les figures afro-américaines de la lutte pour les droits civiques : Malcolm X, Stokely Carmichael, Marcus Garvey ou Martin Luther King, mais aussi les grands Africains : Lumumba, N’Krumah ou encore le Che, l’abbé Pierre… Point de name dropping hasardeux, MAM fourbit ses armes. Elles seront politiques.

« Nous n’étions pas affûtés à lutter pour être considérés comme des citoyens français, confrontés au racisme latent, au paternalisme, aux relents du colonialisme et de l’esclavage. Je n’ai pas le droit de me contenter de ce à quoi on me cantonne. » L’action est politique, mais pas politicienne. Almamy Kanouté crée en 2002 dans sa ville une association interculturelle et intergénérationnelle : 83ème avenue, clin d’oeil à sa propre adresse : 83 avenue de la paix. Les deux pieds sur son territoire, pour mieux se projeter vers le meilleur. Deux maîtres mots : transmission et émancipation. Almamy et les jeunes de sa ville deviennent des acteurs. Ça coince en haut lieu. « Avant, on nous reprochait de ne pas nous engager, d’être attentistes, de ne pas prendre d’initiative et dès qu’on l’a fait, on nous l’a reproché. »

REPRESENTER

À croire que ça booste Almamy. En 2008, il rassemble plusieurs acteurs associatifs pour présenter la liste Fresnes Avenir. Coup d’éclat dans les urnes, la liste recueille 11,1% des suffrages. « J’ai eu le sentiment de mettre le doigt là où il fallait. Pour la première fois on m’appelait par mon nom de famille ! » Étape suivante, les régionales de 2010. Le mouvement Émergence se présente dans plusieurs circonscriptions. « La stratégie est de jouer le jeu de la démocratie, d’utiliser puis de retourner les armes du système, qui les utilise pour stigmatiser, discriminer pour le mettre face à ses propres contradictions. »

La tâche est immense : la politique, le combat culturel, la lutte pour la mémoire… Mais ça ne fait pas peur à Almamy, sûr de ses choix et convictions, fort du collectif. Tout en creusant son sillon, il bouillonne sans cesse de projets. Le cinéma, son dernier kiff, est arrivé par hasard, mais toujours dans l’engagement, avec l’aventure La Cité Rose. Il est aussi à l’écran dans Les Gorilles, long métrage de Tristant Aurouet avec Joey Starr et Alice Belaïdi. Il réfléchit par ailleurs à un vaste projet lifestyle : BWA. Inspiré du NWA (Niggers With Attitude), BWA sera à la fois un label et un réseau de personnes Bring with attitude (B pouvant tout aussi bien désigner des Blacks, Barbs, Babes). De l’attitude et des actes : parler moins, agir plus.

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Peggy Derder